La « mitraillette » est enrayée chez Mickaël !

Bonjour à toutes et à tous,

Décidément, la Nature peut-être vraiment facétieuse avec nos producteurs de l’AMAP, ce qui ne leur donne que plus de mérite de devoir se battre contre les parasites ou les aléas climatiques !

Après les mouches Drosophila Suzuki dont nous avions parlé il y a 3 ans, le gel, la sécheresse, c’est au tour des tænias, charançons et bruches de s’attaquer aux céréales stockées dans les « cellules » pour être consommées par les poules « punk » de Mickaël !

Je me suis rendu cette semaine à la Membrolle, par ce temps magnifique pour enquêter sur les misères de la Ronde des fruits.Mickaël sur son tracteur 04/05/2016

Lorsque je suis arrivé ce matin là, Mickaël finissait de passer le tracteur sur un lopin de terre coincé entre deux rangées de groseilliers qui avaient d’ailleurs été partiellement touchés par les dernières gelées d’Avril particulièrement dures.

Cela a concerné de nombreuses régions en France, de façon inégale, mais avec une perte plus ou moins importante à la clef quoi qu’il en soit !

Lorsqu’il est venu me saluer, il avait la petite voix du Mickaël qui en a « gros sur la patate » et qui aimerait trouver une solution rapide au problème !

Nous avons cheminé ensemble vers le hangar de stockage des aliments pour les poules, non loin de là,  afin de comprendre l’origine même du problème telle qu’il l’a expliquée en détail dans le dernier courrier de l’AMAP.

Les aliments composant les repas des poules de la race Lohmann se répartissent en 7 types de végétaux et minéraux schématiquement :

  • Les grains de triticale et les pois
  • Le tourteau de tournesol
  • Le tourteau de soja
  • Les grains de maïs
  • Les sels minéraux
  • Le carbonate de calcium

Les 5 premiers sont stockés dans d’énormes sacs pouvant contenir plusieurs centaines de kilos d’aliments (voir cliché ci-dessous).

00_Hangar_stockage_aliments_poules

Pour ceux qui n’en ont jamais vu, voici à quoi ressemble le mélange de triticale (plante annuelle, hybride artificiel entre le blé et le seigle dont la culture a débuté dans les années 60) et les pois :

01_Tritical_pois

Les points noirs sont des graines autres récoltées en même temps mais qui n’ont pas de valeur nutritive spéciale.

Le tourteau de tournesol se présente de cette manière après que les graines aient été pressées et que l’on en ait extrait l’huile servant à notre alimentation / cuisine :

04_Tourteaux_tournesol

Il s’agit de plaques noires d’une dizaine de centimètres de long, friables lorsqu’on les triturent, car il ne reste que la matière « sèche » ou presque.
L’huile brute correspondant à environ à 43% du poids de la graine et le tourteau représente environ 55% de cette dernière.
Après lavage, séchage et conditionnement, le tourteau de tournesol contient environ 10 à 12% d’humidité.

Le tourteau de soja quant à lui se présente sous la forme d’une poudre plus ou moins agglomérée qui ressemble de loin à du sable ou de la terre séchée !

05_Tourteaux_soja

Le soja apporte surtout des protéines mais aussi et surtout un acide aminé essentiel appelé lysine qui est très important dans l’élevage des porcs et volailles.
Cette poudre est également le résultat obtenu après pressage mais à l’inverse des autres céréales, il n’est extrait qu’une vingtaine de pour cents du poids de la graine afin de produire l’huile, puisque le tourteau représente environ 80% du poids de celles-ci.
Le tourteau est composé de 47% environ de protéines digestes pour les animaux, ce qui en fait bien évidemment un aliment extrêmement intéressant d’un point de vue énergétique pour leur élevage !

Enfin, la dernière céréale que tout le monde connait pour en avoir déjà vu dans les fermes, le maïs :

03_Grains_mais

Quant aux autres aliments, il s’agit de minéraux (carbonate de calcium provenant de coquilles concassées) et de sels minéraux qui sont stockés dans des sacs de quelques dizaines de kilos mais qui ne subissent pas de dommages de la part des parasites.

06_Mineraux

Les deux ennemis de Mickaël sont tout comme les terribles Drosophila Suzuki pour les fruits rouges, de minuscules insectes mais qui en se multipliant commettent de gros dégâts dans les réserves…

Voici le charançon dans les sacs de Mickaël, pourtant si petit mais si destructeur en colonies :

02_Charancons

07_Charencon

L’autre ennemi, poids plume également par la taille, mais tout aussi nuisible, j’ai nommé la Bruche du pois  !

08_Bruche_du_pois

Voici ce qu’il reste des graines ayant subi les attaques de ces charmants coléoptères :

09_Grains_vides_par_Bruche

Il est clair qu’il ne reste pas grand chose !

Bien évidemment toutes les graines ne sont pas concernées, cela prend du temps pour « évider » toutes celles-ci, mais en plus des dégâts provoqués par ces coléoptères, il reste également les excréments qu’ils produisent et la pourriture qui s’installe, formant des agglomérats de matières peu ragoutants…

Les cellules à grains de Mickaël sont situées sous le hangar évoqué en début de cet article :

10_Cellules_a_grains

Complètement remplies, elles permettent de stocker le maïs pour au moins 3 ou 4 années soit l’équivalent de plusieurs tonnes !

Lorsque Mickaël a besoin de se ravitailler, comme le silo « tampon » situé près des poulaillers, est lui aussi complètement inutilisable pour les mêmes raisons, il vient extraire le nécessaire à l’aide d’un dispositif basé sur le principe de la vis d’Archimède ou « vis sans fin » qui remplit les sacs nécessaires au fur à mesure :

11_Vis_d'archimede_pour_extraction_cereales

J’ai demandé à Mickaël si l’on pouvait voir l’intérieur des cellules, j’ai mis mon appareil en bandoulière et j’ai gravi avec précaution l’échelle pour atteindre les 3 ou 4 mètres nous séparant du sol.

Voici ce que l’on aperçoit en haut :

12_Haut_cellules_a_grains

En prenant appui d’une main sur le bord de la cellule de gauche et en tenant mon lourd boitier et son flash de l’autre, voici l’intérieur d’une des cellules qu’il va falloir vider de son contenu et surtout nettoyer…

13_Cellule_vue_du_haut

Les tâches noires que vous apercevez au fond de la cellule dans le dernier quart de grains ce sont les points de pourriture/moisissure du maïs…
Un petit coup de zoom et voilà ce que cela donne…

14_Pourriture_mais

Il s’agit hélas d’une perte sèche, car tout ce maïs partira à la destruction, il faut quand même savoir que celui-ci représente la plus grosse partie de l’alimentation des poules, soit environ 30%, vient ensuite le triticale pour 20%, le soja et le tournesol pour 15%,  les pois pour 10% et enfin le carbonate de calcium pour 7% et les minéraux pour 3%.

Afin de nettoyer les cellules, il faudra donc les vider complètement de leur grain, fort heureusement, ils n’étaient pas pleins, il faudra ensuite utiliser un bactéricide végétal dilué contenant principalement de l’huile de pin, des terpènes et des huiles essentielles de basilic, carvi, eucalyptus, lavande, sarriette, sauge, thym ainsi que du vinaigre de cidre.

Ensuite il faudra racheter de nouveau l’équivalent d’un hectare de production de maïs pour une année de nourriture pour les poules et croiser les doigts pour que dame nature soit plus clémente !

Nous quittons le hangar maintenant pour nous rendre vers les poulaillers afin de découvrir ; du moins redécouvrir pour moi ; le « home sweet home » des poules « punks » de Mickaël !

Le silo qui partira à la déchetterie nous toise de ses 6 à 7 mètres à vue de nez, une masse gris argenté filiforme en contre jour sous ce magnifique soleil de Mai…

15_Poulailler

Mickaël m’ouvre le poulailler, l’odeur forte vous titille les narines, mais au bout de quelques minutes on s’habitue…

Une partie de ces dames sont encore présentes, celles qui continuent de pondre à vrai dire !

16_Interieur_poulailler

Une ou deux poules sont encore à couver dans leur espace, et l’une d’elles nous montre effectivement ses « parties charnues » peinturlurées de cette encre mauve qui a accompagné nos journées sur les bancs en bois à l’école primaire, celle dans laquelle nous trempions nos plumes qui craquaient sur le papier et qu’il fallait manipuler avec délicatesse sous peine de former des tâches qu’il fallait tamponner ensuite avec le papier buvard, sans oublier les doigts maculés par cette encre violette trahissant les plus maladroits…

17_Posterieur_poule_pondeuse

Nous quittons le poulailler principal pour nous rendre sur une autre parcelle plantée de pommiers sous lesquels picorent d’autres poules sous l’œil vigilant du coq…

Ce poulailler secondaire est l’antichambre des futures poules qui finiront à la casserole ou dans les broyeuses des industriels…

DSC_3167

A l’intérieur, les poules s’écartent sur notre passage, Mickaël en profite pour récupérer les quelques rares œufs pondus…

DSC_3169

Les emplacements des poules sont tous maculés d’encre violette comme si une partie endiablée de paint ball avait eu lieu !

DSC_3170

Nous ressortons du poulailler, je continue de questionner Mickaël…

L’exploitation tournait jusqu’ici avec environ 250 poules, mais avec les 180 qui ne pondent plus ou peu, la rotation ne s’est pas opérée et ce sont dorénavant près de 500 poules qu’il convient de nourrir !

Or une poule qu’il faut nourrir et qui ne pond pas, c’est une perte financière, même au pays de l’écologie il y a des impératifs économiques bien évidemment, la seule chose qui change, c’est que vis à vis de l’industriel, il y a une âme et un cœur…

Une poule en bonne santé pond entre un et deux œufs quotidiennement, dans les bonnes périodes, ce sont donc environ 250 œufs qui devraient être collectés, mais aujourd’hui, avec 60 œufs, nous sommes loin du compte !

Comme l’expliquait Mickaël dans son dernier courrier qu’il vous a envoyé, l’autopsie d’une poule pratiquée par un vétérinaire à mis en exergue la présence de tænias (voir cliché ci-dessous), ver parasite endémique et auquel les aviculteurs sont habitués car l’organisme d’une poule en bonne santé parvient à cohabiter tant bien que mal avec ce dernier.

22_Taenia

Les poules ont également été victimes de bronchites ce qui n’a pas arrangé les affaires.

Le cumul d’une nourriture devenue inappropriée, car ayant perdu une partie de ses valeurs nutritives, le tænia qui en profite pour reprendre le dessus, une bronchite, vous avez l’équation complète qui expliquerait la chute brutale de ponte des « mitraillettes » telles qu’elles sont surnommées dans le milieu, comme me l’apprend malicieusement Mickaël !

En temps normal, 95% environ des poules produisent leur œuf tout au long de l’année, la part de l’atelier ne représente fort heureusement que 10% environ du chiffre d’affaires, mais les poules ont été sélectionnées car elles font partie d’un cercle vertueux et elles jouent notamment leur rôle dans les vergers en venant lutter contre un autre parasite mais pour les fruitiers cette fois-ci, le carpocapse (voir clichés ci-dessous, stade du papillon et de la chenille).

C’est le stade larvaire qui cause le plus de dégâts, car à l’origine il s’agit de l’œuf pondu par un lépidoptère (papillons), de la famille des tordeuses, de 2 cm environ, qui vient pondre sur les tiges ou les feuilles des arbres fruitiers pendant la nuit.

23_Carpocapse

Mais ce n’est pas la première génération qui est la plus destructrice (cela ne les empêche pas de pénétrer dans certains fruits et de les consommer de l’intérieur, voir 2ème cliché ci-dessous), c’est la seconde qui apparaît en août, car, à maturité, certains quittent l’abri de l’écorce de l’arbre pour aller se cacher dans le sol afin de se transformer en nymphe dans un cocon blanchâtre le printemps suivant pour que le cycle complet recommence, et c’est là que les poules interviennent !

24_Carpocapse_chenille

25_Carpocapse_degats_pomme

Les poules changent en outre de parcelle (où sont plantés les arbres fruitiers) tous les 3 mois afin de ne pas épuiser les ressources et de continuer de bénéficier d’une alimentation riche, variée, et complète.

Mickaël ajoute que pour vivre de l’aviculture, une exploitation doit comprendre environ 12 000 poules, on est donc bien en marge du stade de rentabilité en aviculture et c’est donc bien le cercle vertueux uniquement qui est recherché comme évoqué plus haut.

De plus il faut savoir que cette activité est très demandeuse en main d’oeuvre, et Mickaël m’avoue discrètement qu’il est bien heureux lorsqu’il a fini ses 6 mois pour passer le flambeau à Jean-Luc qui poursuit le reste de l’année, et se consacrer à plein temps aux fruits rouges…

A la lumière de toutes ces explications fournies par Mickaël vous comprendrez un peu mieux ce qui l’a poussé ainsi que Jean-Luc bien sûr, à vendre au plus vite à prix réduit les poules prêtes à cuire…

Espérons que le renouvellement des céréales sera bien la clef du problème et que nos « mitraillettes » reprendront leur staccato d’œufs pour le plus grand soulagement de nos amis de la Ronde des fruits et incidemment de l’AMAP !

Un mot pour la fin de la part de Mickaël : 

« Nous organisons un porte ouverte le 05 Juin prochain, deux visites seront organisées le matin et l’après-midi, elles seront suivies d’un débat sur la production bio !
Nous vous attendons nombreuses et nombreux pour l’occasion ! ».

Un autre article suivra probablement celui-ci afin d’enquêter sur les misères de Séverine également, alors n’oubliez pas de venir jeter un coup d’œil d’ici peu ! 😉

Le webmaster.

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