Visite guidée de la Ronde des Fruits en automne

Bonjour à toutes et à tous,

Cela faisait déjà quelques mois que je souhaitais poursuivre la série entamée sur nos producteurs de l’AMAP des Jardins de la Roussière, le temps passait, je m’étais promis de le faire à la belle saison, mais les jours, les mois ce sont écoulés à une vitesse folle !

Ce week-end je m’étais juré de conclure, et voilà qui est fait !

10_La_ronde_des_fruits_00Après plus de 3 semaines sans presque une goutte de pluie, c’est finalement sous la menace d’averses que cela s’est déroulé.

Après tout, l’automne n’est pas forcément la saison à laquelle on pense immédiatement pour faire une visite, mais amateur de photo, je savais que la belle lumière diffuse et les couleurs écarlates de cette saison apporteraient un petit plus, et je n’ai pas été déçu !

J’ai pris rendez-vous avec Mickaël ce samedi, je l’ai appelé une heure avant et banco, il était disponible avant que le temps ne se gâte…

Plan Richard MICKAEL Les Noyers La Membrolle Sur LongueneeArrivé sur la petite route sinueuse menant à la Ronde des Fruits, j’ai perdu le fléchage, j’ai poursuivi sur quelques kilomètres puis je suis tombé chez Séverine, qui par chance sortait de chez elle et m’a remis sur le bon chemin !

Au lieu-dit les Noyers, j’ai emprunté un chemin goudronné avant de poursuivre sur du gravillon en entrant dans le corps de la ferme restaurée.

10_La_ronde_des_fruits_54Une pancarte fixée sur une barrière en bois signalait la Ronde de fruits, mais ce n’était en fait que la maison de Jean-Luc, l’associé de Mickaël (à gauche sur la photo ci-dessus) qui, un peu surpris de ma venue, m’explique comment retrouver Mickaël à quelques centaines de mètres de là dans son atelier.

Le ciel est gris mais lumineux, la température agréable, 24°C, le temps idéal pour prendre des photos, mais j’aperçois au loin quelques nuages menaçants qui s’approchent, je sais que le temps m’est compté…

Nous commençons le tour du propriétaire avec Mickaël après que je me sois équipé de mes appareils, d’une voix douce et posée il m’explique comment fonctionne la Ronde des fruits.

Mickael commence par la genèse de la Ronde des Fruits et me cite les faits marquants.

1998 : Jean-Luc s’installe en tant qu’arboriculteur sur la ferme des Noyers à la Membrolle-Sur-Longuenée.
Dès le début, il se spécialise dans la production biologique de petits fruits rouges et dans leurs transformations en confitures, gelées, sirops, et coulis.
La Ronde des Fruits est créée.

2002 : Jean-Luc décide d’embaucher une salariée à temps partiel pour s’occuper de la transformation des fruits.

1998-2006 : La ferme se développe sur le plan départemental.
Jean-Luc commercialise ses produits via les marchés, les magasins CABA et Biocoop de la région.
Une partie de la production s’en va également sur tout le territoire français via la plateforme nationale Biocap.

2006 : Les résultats économiques de l’entreprise ne sont pas bons.
Il faut agir rapidement.
La vente de produits à la plateforme ne permet pas de dégager suffisamment de revenu.
Jean-Luc décide alors d’arrêter la vente de ses produits sur toute la France pour se recentrer sur le développement local.

2007 : Jean-Luc et Michaël se rencontrent lors d’une manifestation sur la vente directe.
Michaël souhaite se former à l’arboriculture et fait un stage à la Ronde des Fruits.
Au fil du temps les deux acteurs se rendent compte qu’ils ont une éthique de l’agriculture commune et décident de s’associer.

2008 : La réalisation d’une étude prévisionnelle sur 5 ans montre que l’association est possible.
Dans le même temps, l’installation d’un maraîcher bio et la création de l’AMAP « Les Voisins de Paniers » à la Membrolle dynamisent les deux producteurs.
Un atelier de poules pondeuses voit le jour sur la ferme.

2009 : Au 1er janvier, la nouvelle société EARL la Ronde des Fruits est créée.
L’enjeu est de taille : il faut maintenant dégager deux revenus.
Le développement de la vente directe et locale est le fer de lance de la ferme.
Les AMAP, un nouvel atelier de vente à cueillir ainsi que le développement des marchés devraient permettre à Jean-Luc et Michaël de vivre de leur métier.

Tandis que nous avançons, nous parlons de l’article que j’avais consacré à l’exploitation de Séverine, je lui explique comment je compte relater notre visite et nous arrivons quelques minutes plus tard en vue du terrain légèrement en contrebas où s’effectue la cueillette de mûres, framboises et autres fruits rouges par les AMAPiens.

Cela ne constitue qu’une infime partie des 2.5 hectares de l’exploitation qui s’étalent devant nos yeux sur un flanc de colline descendant en pente légère et baigné d’une  douce lumière.

Les plants de muriers s’étirent sur des dizaines de mètres, les pieds au frais dans un matelas épais et douillet d’herbes hirsutes d’un vert tendre, parsemé de ci et de là de quelques pieds de pissenlits, d’orties ou de restes lignifiés de chardons.

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Il est clair que l’on est dans une AMAP sans pesticides ni engrais chimique comme le proclame fièrement la pancarte à l’entrée, et non dans un verger aux rangs alignés au GPS, manucurés et au sol parfaitement immaculé !

10 La Ronde des fruits 02Nous longeons les quelques rangs puis nous arrivons sur ceux de framboisiers.

C’est clairement la fin de saison pour ceux-ci, il ne reste guère de fruits, la couleur vert des feuilles s’efface pour laisser place aux couleurs chatoyantes de l’automne, la chlorophylle cède la place aux pigments caroténoïdes qui couvrent toute la palette de couleurs du jaune pâle au orange vif !
Quelques reflets argentés viennent parfois capter l’attention pour peu que l’on prenne la peine d’observer ces milliers de feuilles qui petit à petit se recroquevillent avant de tomber et nourrir le sol pour un autre cycle…

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Pourtant, ce dernier regard vers ces framboisiers qui vont sombrer dans le long sommeil hivernal contraste avec ces plants verdoyants qui, il y a quelques mois encore, ont rempli abondamment nos barquettes de fruits rouges, semaine après semaine, pour le plus grand plaisir de nos palais !

Un peu plus loin, nous arrivons vers les plants de fraises qui affichent avec insolence leur santé et leurs feuilles d’un vert immaculé !

Je suis admiratif de voir ces centaines de pieds de fraisiers produire encore abondamment des fraises alors que nous venons d’entamer l’automne et que les températures le matin taquinent le 7 ou 8°C !

Quelques pieds de Tournesol ayant perdu tout espoir de se gorger de la lumière du soleil, semblent garder ce précieux trésor dans ce coin reculé de l’exploitation…

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Les stolons serpentent entre les rangs de fraisiers formant un lacis inextricable que Mickaël doit nettoyer régulièrement, une à deux fois dans l’année, tandis que le long des bâches en tissu tressé noir, des grappes abondantes de fraises murissent encore par milliers !

Miracle de cette nature qui s’est gorgée de soleil ces dernières semaines dans notre belle région…

Mais dame Nature n’est pas toujours aussi conciliante comme en témoignent les évènements de ces dernières semaines dans le sud de la France qui se retrouvait les pieds dans l’eau avec des quantités phénoménales tombées en quelques heures, 300 litres par mètre carré, tandis que nos régions n’avaient pas vu une goutte ou presque depuis plusieurs semaines…

Ciflorette, Belrubi, Maia, Cigaline, Manille, Gariguette, Favette, etc., il y a comme un accent du midi qui résonne dans ma tête, comme du Pagnol, en lisant les étiquettes en tête de chaque rang, ces noms chantant à mes oreilles illuminent mon imagination !

J’ai eu la chance de goûter sur place ces fraises, et croyez-moi, cette savoureuse chair sucrée vous donne envie de poursuivre la dégustation jusqu’à plus faim !

Pourtant tout n’est pas rose pour les fraises de Mickaël !

Souvenez vous de l’article que j’avais consacré à la Drosophile en Novembre dernier !

Drosophile Suzukii

Les pièges ont été posés avec l’aide de nombreux Amapiens (qu’ils en soient ici encore remerciés !), mais malgré tous ces efforts, l’efficacité n’a pas forcément été au rendez-vous…

Rassurons-nous, les pièges marchent, mais compte tenu du nombre de parasites à attraper, cela reste limité, néanmoins ce ne fut pas en vain,  il était nécessaire d’agir et les mouches capturées n’auront pas eu l’occasion de gâter les plants de fraisiers et framboisiers avec leurs larves !

Mickaël semble pourtant serein et optimiste dans ses propos, pour lui, même si les pièges n’ont pas eu l’efficacité escomptée, il constate ; tout comme ses confrères ; que la Nature finit toujours par atteindre un équilibre au bout d’un certain temps.

Depuis deux ans, ce parasite s’est installé dans nos régions, des pesticides existent, mais cela s’opère toujours au détriment du biotope, à savoir que s’ils sont efficaces contre une espèce, ils peuvent très bien en affaiblir une autre qui elle est bénéfique à la culture de tel ou tel fruit ou légume.

La question ne se pose de toute manière pas en ces termes pour l’agriculture biologique, mais Mickaël pense que d’autres insectes alliés des producteurs bio, tels que les syrphes, guêpes parasitoïdes (la Leptopilina heterotoma par exemple, injecte ses œufs à l’intérieur de la larve de Drosophile avec un venin qui inhibe la réponse des cellules immunitaires de cette dernière), chrysopes, punaises anthocorides, araignées sauteuses, araignées crabes, staphylins etc., finiront par apporter une réponse à ce nouveau fléau.

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Leptopilina heterotoma

En règle génale, les répulsifs, le piégeage et le refroidissement des fruits après récolte (entre 1° et 2°C pendant 72 heures) sont encore les meilleures tactiques pour le moment en agriculture biologique.

Sans cela, les dommages pourraient toucher près de 50% des framboises et 10% des fraises récoltées, surtout celles d’automne, car pour mémoire, c’est fin juillet que les larves sont trouvées dans les fruits.

Mickael estime que cette année, pour la Ronde des Fruits, plusieurs actions ont permis de gérer la pression jusqu’à la mi-août en tous cas : « le piégeage pour 1/3, les cueillettes rapprochées (pour éviter les fruits en sur-maturité qui attirent davantage le parasite) pour 1/3, et la gestion des fruits touchés en transformation (ils sont des nids à larves) pour le dernier 1/3.
Toutes ces actions ont permis de limiter autant que possible le développement de nouvelles générations.« 

Mais s’il n’y avait que cela, la Nature peut parfois sembler cruelle dans ses manifestations, puisque Mickaël a dû mettre en jachère il n’y a pas si longtemps une partie de sa production de pieds de framboisiers.
Il m’explique que : « Phytophthora fragariae a contaminé le sol, et il faudra attendre près de 7 ans avant de pouvoir replanter des plants de framboisiers…
Ce dernier touche également le fraisier, c’est en fait un champignon qui s’attaque aux radicelles de la plante.

« Les symptômes débutent sur les feuilles basales, lesquelles jaunissent, rougissent et présentent des brûlures à la marge et entre les nervures.
Les feuilles desséchées demeurent attachées au plant.
Éventuellement, le plant flétrit et meurt. Sur les plants gravement atteints par le pourridié des racines, un symptôme particulièrement caractéristique de cette maladie, et aidant au diagnostic, est celle d’une coloration brune des tissus internes du collet. Pour vérifier ce symptôme, il s’agit d’enlever l’épiderme au collet et d’observer s’il y a une coloration brune des tissus. Les racines présentent également une anomalie de coloration (voir flèches) et une pourriture des racines variant de brun à noir et dont l’apparence des tissus affectés est humide. »
Sources : Site Iriis phytprotection
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Le framboisier souffrant du Phytophthora fragariae. Crédits photographiques : Laboratoire de diagnostic en phytoprotection – MAPAQ

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Racines attaquées par Phytophthora fragariae. Crédits photographiques : Laboratoire de diagnostic en phytoprotection – MAPAQ

D’autres maladies cryptogamiques s’attaquent plus aux fruits comme l’anthracnose ou la moniliose qui apparaissent suite à de mauvaises conditions climatiques sur une longue durée. »

Pendant ce temps, la plantation de légumineuses permet de redonner un « coup de boost » à la terre en apportant entre autre de l’azote épuisé par les framboisiers.
Sur ce plan, Mickaël essaye quelques combinaisons de plantes afin de trouver empiriquement ce qui convient à sa terre.

Il faut savoir que jadis, la jachère naturelle pouvait durer de 10 à 15 ans !

Aujourd’hui, elles sont plus courtes, elles dépendent bien évidemment des cultures, Mickaël m’indique que pour les framboisiers elle est plus ou moins de 7 ans.

Le but des légumineuses (trèfle et luzerne, pour la Ronde des Fruits) est de fixer l’azote assez rapidement dans le sol, mais elles ont également un effet « nettoyant » en limitant les mauvaises herbes sur les parcelles cultivées.
Cet apport s’effectue en règle générale dans les 20 premiers centimètres du sol en matière organique.

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Toutefois, il faut savoir qu’un plant de framboisier donnera des fruits pendant cette même durée, ensuite, épuisé, il ne produira presque plus.

Pourtant, le framboisier est plutôt robuste, mais il a ses ennemis : nous avons parlé de la Drosophile pour le fruit, du Phytophthora fragariae, mais il y a également le botrytis (pourriture grise) la maladie des temps humides, le ver blanc larve de la mouche du framboisier (surtout en juin), la cécidomyie qui produit une sorte de galle et des tâches sur les tiges qui obligent à couper et brûler le plus vite possible les plants infestés, et quelques autres.

D’ailleurs, pour en revenir à l’humidité, afin d’éviter les maladies inhérentes au trop plein d’eau, Mickaël m’explique qu’il est obligé de faire des double buttées pour ces  plantations de framboisiers.
En cas de chutes d’eau abondantes, les inondations ne concerneront que les allées et la terre des buttes sera bien drainée.
Par contre, en période sèche, l’infiltration de l’eau des précipitations s’effectue au niveau des allées, ce qui permet à la butte d’être mieux irriguée en profondeur, et aux racines de se développer de façon idéale.

Fort heureusement, Mickaël dispose de nombreux pieds de framboisiers vigoureux et prolifiques, car même en ce mois d’octobre, il y avait encore des fruits à divers stades de leur maturation !

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Nous revenons vers notre point de départ, et mon regard est aussitôt attiré par des plants de couleur rouge !

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Ce sont tout simplement des plants de…myrtilles !
J’avoue ne pas me rappeler avoir vu des plants à pareille époque, hormis peut-être en montagne !

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Il est rare de les voir porter leur robe automnale, d’un rouge écarlate qui tranche avec les quelques feuilles vertes persistant, et quelques grappes de délicieuses myrtilles !
Ah que le manteau d’automne est magnifique avec ses couleurs flamboyantes !

Pris entre un rang de myrtilliers et de framboisiers, quelques pieds de framboisiers chétifs alignés sur deux autres rangs vont bientôt prendre leur retraite !

Mickaël en profite pour me montrer comment il dépose l’engrais, en fait les fientes des poules, grâce à une épandeuse, mais au préalable, il faut entrouvrir manuellement tout du long de chaque rang la bâche qui protège les pieds, glissant sur de petits arceaux à moitié ensevelis, un travail long et fastidieux mais indispensable pour apporter une à deux fois l’an les apports azotés naturels nécessaires à une bonne production !

Je lui demande ce que tout ce dur labeur peut bien représenter en termes de production et Mickael me donne les chiffres :

  • fraise : environ 5 t
  • framboise : 1.5t
  • mûre : 600 kg
  • myrtille : 300 kg
  • cassis : 620 kg
  • groseille : 700 kg

Je ne suis pas expert es-production bio, mais je trouve cela impressionnant, surtout à deux !

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Avant de quitter cette parcelle pour aller vers les pommiers, nous jetons un dernier coup d’œil aux plants de groseilles qui prennent aussi une très belle teinte automnale…

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Nous rejoignons une parcelle contiguë en passant par un petit chemin creusé par le temps sous une voute d’arbres…

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En bifurquant sur notre droite, nous débouchons sur un spectacle assez curieux, le genre de souvenir que l’on garde si l’on s’est déjà rendu dans une ferme typique où le système D et l’ingéniosité remplacent les constructions impeccables des fermes ultra modernes…

Un âne sorti d’une carcasse de caravane éventrée nous regarde nonchalamment tout en mâchouillant sa paille tandis qu’un peu plus loin à gauche, à l’ombre des arbres, on distingue la silhouette d’une biquette juchée sur une souche, nous toisant dédaigneusement…

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Pour un citadin, le spectacle pourrait sembler quelque peu « surréaliste », mais telle la madeleine de Proust, cela fait remonter à la surface quelques clichés préservés de mon enfance lorsque j’accompagnais mon grand-père dans une ferme du Saintonge pour aller en fin d’après-midi chercher le lait délicieusement chaud juste tiré du pie des vaches et me délecter le lendemain matin de la crème flottant à la surface de mon chocolat au lait…

Je me rappelle aussi ces cages à lapins, ces poulaillers et ces constructions faites de brics et de brocs, de morceaux de tôles assemblés sommairement.

Ce sont les « mascottes » me dit Mickaël d’un air légèrement malicieux tandis que nous longeons la clôture pour arriver au verger alors que quelques gouttes de pluie commencent à tomber dans un crépitement allant crescendo…

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Je sens une pointe de déception dans les propos de Mickaël, lui qui est toujours positif, car cette année, contrairement à la précédente, la production sera bien moindre !
Déception mais pas pessimisme, il connait la Nature, il la respecte, elle trouve son « point d’équilibre », l’année prochaine sera peut-être meilleure !

Fort heureusement, un producteur bio n’a pas la logique systématique du productivisme à outrance, bien sûr, il sait que ses revenus vont être en fonction de ce qu’il produit, mais la finalité n’est pas le rendement en forçant la nature à la limite de ses capacités ou en l’abreuvant de produits chimiques, qui au final reviendront au même !

L’année dernière fut un excellent cru, mais la Nature ne peut donner que ce qu’elle a, et les pommiers ont régulé leur production en fonction de leurs ressources, comme un marathonien qui sait lorsqu’il doit lever le pied pour arriver sur la ligne d’arrivée !

Mickael m’indique que les variétés cultivées à la Ronde des Fruits sont celles « à couteau » : Reine des Reinettes, Reinette Canada blanche, Reinette Canada grise, Reinette Clochard, Reinette Grand-Mère, Reinette d’Armorique, Reinette du Mans, Calville blanc d’hivers, Florina, Grand Alexandre.
Les variétés « à jus » sont quant à elles des : Judaine, Judeline, pomme groseille, Bedan, Fréquin rouge.
Concernant les chiffres, il m’indique « qu’une année à pommes représente pour nous environ 14 à 15 tonnes de pommes à jus et pour les pommes à couteau, environ 4 tonnes.« 

Mais devant nous, il n’y a pas que des pommiers, il y a également des pruniers et dans une parcelle contiguë des cerisiers…
« A la ronde des Fruits, nous cultivons les variétés de prunes suivantes : Reine Claude d’Oullins, Reine-Claude dorée, Reine-Claude de Bavais, Reine-Claude, Quetche, Mirabelles, soit 700 kg environ, les fruits pour la transformation sont compris.
Quant aux variétés de cerises nous avons de la : Burlat, Napoléon, Edelfingen, Van, Summit, Griotte, ce qui représente  200 kg environ, les fruits pour la transformation sont également compris.
Il s’agit de quelques arbres, la quasi totalité de la production en fruits frais part dans les 4 AMAP que nous approvisionnons en fruits frais (100kg de cerises distribuées et 370 kg de prunes) ».

Les pommiers constituent d’ailleurs une source de nourriture, un abri également pour les poules non loin, que l’on entend caqueter, entrecoupées par le cacardement puissant des oies s’ébattant au milieu de la troupe !

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Les poules ont initialement fait leur entrée à la Ronde des Fruits pour l’exploitation de leurs fientes en tant que fertilisant naturel de la production de fruits rouges, accessoirement, la distribution d’œufs a permis de rentabiliser leur achat et de dégager petit à petit un bénéfice substantiel.

La fiente de poule est un excellent engrais riche en azote, en phosphore, en potassium et en calcium, elle apporte tout ce qui est nécessaire à la croissance, la production des fleurs et au final les fruits !

Idéalement, certains disent qu’1/3 d’azote avec 2/3 de carbone constitue un compost équilibré !

Les composants de la fiente sont rapidement assimilés par les plantes, ce qui est essentiel à leur santé, d’autant plus lorsque l’on n’utilise aucun engrais autre ou pesticide tout au long du cycle de vie de celles-ci.
Le paillage est également important pour l’équilibre qu’il convient de trouver et respecter, car une trop grande quantité de l’un ou de l’autre ou des deux peut vite avoir des effets néfastes…

Tandis que je prends quelques clichés de ces poules en totale liberté, la pluie commence à se faire plus drue, nous rentrons fort opportunément dans le poulailler où Mickaël va habituellement collecter les œufs produits tout au long de l’année…

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Tandis que je manque de m’assommer sur une poutre, Mickaël en profite pour allumer la lumière car la pénombre qui règne ne m’aurait pas permis de prendre ces quelques clichés ci-dessus…

Pendant que nous parlons du rôle des poules dans l’exploitation, Mickaël caresse délicatement une des poules assise dans son espace en attendant de pondre un des œufs que nous pouvons découvrir légèrement en contrebas dans une sorte de collecteur.

On est à mille lieues de l’élevage industriel où l’automatisation, la production en masse, la stérilité sont les maîtres mots !

Pourtant avec ses 250 poules de race Lohmann, je pense qu’il y a de quoi faire !

Mickael anticipe ma question suivante et m’indique « qu’en ce moment, nous ramassons quelques 220 œufs / jour, l’objectif est de se maintenir autour de 190 à 200 œufs / jour toute l’année.« 

Et d’ajouter : « nous récupérons nos poules au bout de 18 semaines chez un éleveur, ainsi elles sont prêtes à pondre.
Elles font une saison de ponte de 10 mois chez nous.
Elles sont généralement envoyées à l’abattoir après la saison pour les Amapiens qui ont des œufs.
Pour celles qui nous restent, nous les proposons sur le site Leboncoin pour les particuliers désireux de leur donner une deuxième vie… »

En voyant toutes ces cultures environnantes je m’interroge sur la nourriture des poules et en profite pour demander à Mickael si la Ronde de Fruits est « auto-suffisante » sur ce point : « nous produisons sur la ferme l’aliment principal : triticale, pois, maïs.
Nous complétons l’aliment avec du tourteau de tournesol produit chez des collègues qui font de l’huile au Tremblay (49), et du tourteau de soja français par le biais d’une coopérative. »

Nous quittons l’abri du poulailler pour nous rendre rapidement sous un hangar à quelques dizaines de mètres de là, hangar où Mickaël stocke une partie de son matériel agricole, mais également quelques fruits et légumes non périssables.

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C’est également sous ce hangar que se trouve la chambre froide qui lui permet de stocker à une température d’environ 5.5 °C les fruits récoltés.
Ce n’est qu’une partie de la production m’explique t’il car le reste est stocké dans des chambres froides professionnelles de grande capacité à quelques kilomètres de là, au Lion d’Angers.

Vous aurez reconnu ci-dessus les potirons et courges sur la seconde photo et les courges spaghetti sur le 3ème cliché.

Juste en face, se trouve la fameuse chambre froide intermédiaire où Mickaël stocke une partie des fruits fragiles dans une sorte de réserve « tampon » qui lui permet d’avoir à disposition la rotation de cagettes nécessaires à la prochaine distribution :

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Contigu à la chambre froide, on découvre le petit local où Mickaël pèse ses fruits qui seront distribués le jeudi à notre AMAP…

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Notre visite touche hélas presque à sa fin, mais il nous reste encore à découvrir le « laboratoire »…

En chemin nous en profitons pour parler là aussi des quantités produites globalement : « 50 % de la vente de fruits frais au détail (à la barquette) se fait dans les  4 AMAP, ce qui représente 120 familles.
Pour les fruits transformés, nous produisons 25 à 30 000 produits finis tout confondu, par an.
Le principal débouché reste les Biocoop du département.
Nous aimerions bien développer davantage ces produits en AMAP. »

Il faut quitter le hangar pour se rendre en face de la maison de Jean-Luc THIBAULT.

Nous suivons un petit chemin de terre battue serpentant entre les parcelles de cerisiers, de cognassiers avant d’arriver devant un hangar.

Le hangar abrite un capharnaüm ou cohabitent des cagettes, cartons, barbelés, bocaux ainsi que les vieilles barriques où se prépare le vinaigre…

Nous sourions Mickaël et moi lorsque je prends un cliché des bouteilles de vinaigre de framboise non encore étiquetées, recouvertes d’une couche de poussière et de quelques toiles d’araignées, signe d’une production artisanale, incontestablement…

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Sur notre droite, nous empruntons un couloir qui nous mène dans l’antre du maître es- coulis, confitures et autres délices aux fruits rouges !
Quelques pots de confitures sont alignés au cordeau sur une table centrale, dans cette pièce impeccablement propre, hygiène oblige afin de préparer dans les règles de l’art confitures, coulis et autre produits dérivés !

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Il m’explique l’usage de chaque appareil dans la pièce.
Le premier est la marmite de cuisson ci-dessous qui permet bien entendu de cuire les fruits rouges :

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Ensuite, il y a une presse pour préparer les gelées et sirops :

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Et enfin l’épépineuse pour les coulis et purées.

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Juste à côté, la pièce aux « zeufs » comme je dis à Mickaël, c’est là que ceux-ci sont mis dans les boîtes…

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Après deux heures de visite, nous finissons par la « boutique », ou plutôt la « vitrine » de la Ronde des Fruits.

 Dans une petite pièce étroite éclairée d’une lampe blafarde, encombrée de cartons avec d’un côté son mur en pierres d’ardoise et de l’autre ses lambris qui viennent réchauffer un peu l’atmosphère, on découvre sur quelques étagères un échantillon des divers produits de la Ronde des Fruits.

Pots de confitures, coulis, bouteilles de vinaigre, de cidres, il y a un représentant pour chaque catégorie.

Cette vitrine mériterait d’être mise en avant car finalement c’est le résultat de ce dur labeur de Mickaël et Jean-Luc pour que chacun de nous puisse manger bio !

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Voilà, c’est la fin de la visite, j’avais encore plein de questions qui me venaient en tête, mais je savais que Mickaël avait encore un millier de choses à faire, il avait accepté de m’accompagner au pied lever malgré le délai ultra court, je ne souhaitais pas abuser.

Je dois avouer que j’ai beaucoup apprécié notre conversation, cela m’a permis d’échanger avec un autre pro du bio (chose dont je ne doutais pas !), mais surtout un passionné et un homme cultivé qui pouvait entre autres choses, me citer de tête les noms latins d’espèces de parasites et de champignons venant parasiter les framboisiers par exemple, les pratiques multiples de lutte contre les parasites en général, mais pas seulement pour son exploitation, bref, un vrai régal de découvrir l’envers du décor de l’agriculture biologique au-delà de la Ronde des Fruits !

Avant de nous quitter, une question me brûle pourtant les lèvres : quels sont les réussites et les échecs de la Ronde des Fruits ?

Mickaël n’hésite pourtant pas à me répondre, c’est un exercice qui n’est pas toujours facile ni accepté de tous, mais comme il me le dit, « je n’ai rien à cacher, tout est consultable, nous sommes dans une AMAP » :

Réussite(s) : approvisionner les AMAP et nos autres débouchés en fruits, malgré la Drosophile, c’est un challenge qui recommence tous les ans.
Pour la 1ere année depuis mon installation en 2009, l’année 2013 à permis de dégager un revenu à chaque associé.
Mettre en place un réseau afin d’acquérir de meilleurs connaissances sur notre biodiversité (réseau « Arbre » de la Chambre d’Agriculture, Comité Départemental du Développement Légumier, groupe « Petits fruits » du Groupement des Agriculteurs Bio d’Anjou, et même une Amapienne de la Membrolle passionnée de ce genre de problématique).
Echec(s) : Un manque important de temps libre.
Il faut réussir à mieux s’organiser et embaucher davantage pour être à jour sur le travail et pouvoir prendre du temps pour autre chose.
Difficile aujourd’hui…

Enfin, je ne pouvais pas terminer cette agréable visite sans poser les questions de l’avenir que Mickaël entrevoyait pour la Ronde des Fruits mais également pour lui-même !

Il me répond que « sur la ferme, nous avons tout juste commencé la construction d’un bureau commun avec Jean-Luc.
Par ailleurs, nous souhaitons mettre en place un groupement d’employeurs avec les collègues voisins. 
Enfin, d’un point de vue privé, je souhaite démarrer la construction de notre maison. »

Voilà, j’espère que comme moi vous aurez apprécié cette visite « virtuelle », et que vous ne regarderez plus de la même manière les fruits et les produits transformés distribués par Mickaël et Jean-Luc, et que vous comprendrez tous les enjeux qui se cachent derrière !

Merci à Mickaël pour ces  deux heures ô combien instructives !

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