Le C.S.A, au travers de l’expérience Indian Line et Temple-Wilton !

Bonjour à toutes et à tous,

Ce second article de fond va nous permettre de découvrir une autre expérience qui a été cette fois-ci à la base de nos AMAP.

Les teikei ont constitué une approche Japonaise de l’AMAP, et elle n’a en aucune manière été reprise par les « pionniers » de l’AMAP à l’américaine.

Pour les plus curieux et perspicaces d’entre vous, les C.S.A autrement dit « Community Supported Agriculture » (en français, l’Agriculture Soutenue par la communauté) est le nom qui a été donné aux AMAP « à l’américaine ».

Curieusement, c’est par un effet boomerang que l’idée nous est arrivée, car les C.S.A sont nées de concepts et d’idées originaires…d’Europe !

Mais découvrons sans plus attendre cette étonnante aventure qui a débuté dans les années 80 !

Celle-ci a débuté simultanément et indépendamment en 1986 au Massachussetts dans la ferme Indian Line, et dans la ferme Temple-Wilton Community au New-Hampshire.

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Suite à la parution d’articles dans le magazine Rodale’s Organic Gardening (l’Agriculture Bio de Rodale), un jeune jardinier nommé Jan VANDER THUIN est venu s’installer en 1985 à Egremont où il rencontra Robyn VAN EN ainsi que qu’autres membres de la communauté.
Ce dernier avait déjà écrit des articles pour une revue intitulée RAIN, basés sur sa propre expérience et ses propres recherches dans des fermes à Zurich, Birsmatterhof et Genève (Les Jardins de Cocagne).
C’est d’ailleurs à Genève qu’il eut l’occasion d’échanger avec le co-fondateur qui s’était inspiré du mouvement des coopératives agricoles au Chili sous l’ère Salvador ALLENDE entre 1970 et 1973.

Cette expérience a été partagée avec les autres membres de la communauté, notamment Susan WITT, John ROOT, et d’autres membres qui s’avéreront des « piliers » de l’aventure des C.S.A !

Lors de cette décennie fertile en idées, le milieu bio était baigné dans les théories et les écrits du célèbre Rudolf STEINER ainsi que ceux d’Ernst Friedrich SCHUMACHER.

Afin de bien comprendre les événements qui vont suivre et de s’imprégner des idées ayant conduit à la naissance des C.S.A, partons à la découverte de ces deux personnages au travers d’une courte biographie en commençant par Rudolf STEINER.

Les grandes lignes de la philosophie de ce « père fondateur » de l’agriculture biologique : tiennent en deux mots, anthroposophie et biodynamique.

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Né en 1861 en Hongrie, ce petit surdoué a fait ses études au collège technique puis dans une école d’ingénieurs à Vienne.
Il tentera de se faire un nom dans les milieux intellectuels notamment au Café de la mégalomanie (cela ne s’invente pas !) en publiant des critiques d’art, puis à 30 ans il décrochera un poste d’éditeur des œuvres scientifiques méconnues de GOETHE, concernant les couleurs et formes végétales et animales.

Auteur de plusieurs ouvrages, il publie en 1894 « la philosophie de la liberté, résultat de l’expérience intérieure conduite selon les méthodes scientifiques » où il réfute le matérialisme qui connait alors son apogée en philosophie et dans les sciences avec l’explosion de l’ère industrielle.
Il tente de faire valoir l’existence d’un monde spirituel par une approche rationnelle et rigoureuse, mais hélas, totalement à contre-courant, le livre sera un échec !

Il s’installe alors à Berlin et traverse une période très tourmentée où il sera pris d’une véritable frénésie d’écriture, il se passionnera en outre pour les sciences naturelles et fera la rencontre d’Ernst HAECKEL, biologiste, philosophe et libre penseur, ardent défenseur de la révolution darwinienne et inventeur du mot « écologie » par la même occasion…
STEINER tentera de le rallier à sa pensée, mais sans succès, tant HAECKEL s’avère un matérialiste « pur jus » !

1900, s’est un nouveau siècle et le début du succès pour STEINER qui se lance dans une série de conférences sur les mystiques à la société Théosophique de Berlin.
La théosophie est une doctrine très axée sur la réincarnation et le karma fondée par une voyante russe Héléna BLAVATSKY, aidée par la suite de son fervent et infatigable disciple, William Q. JUDGE.

Totalement métamorphosé, emporté dans son élan, STEINER entre dans des transes visionnaires, et se laisse aspirer par les mondes astraux, les corps éthériques, la mémoire akashique, mais la chute sera brutale en 1909 lorsqu’il refusera de prêter allégeance à un jeune garçon désigné comme l’incarnation de Jésus-Christ par le sulfureux révérend Charles LEADBATER, grand « gourou » de la théosophie !

En 1913 il fonde son propre mouvement intitulé la Société Anthroposophique.

Sa curiosité intellectuelle et son pragmatisme l’amènent tout naturellement à créer la médecine anthroposophique qui date de cette époque, elle est basée sur des médicaments  proches de l’homéopathie, en ayant recours à des couleurs et cristaux liés aux influence planétaires.

Puis sa frénésie de travail ira en s’accélérant, il finira ses jours alité par des maux de ventre avant de s’éteindre en mars 1925.

Le deuxième leg de STEINER, et celui qui nous intéresse le plus est l’agriculture biodynamique.
Elle date de ses années passées à Dornach (où il fera ériger son Goethaneum, un bâtiment curieux, point de ralliement de la communauté) et le fruit de sa réflexion est contenu dans la bible de la biodynamique « Agriculture, fondements spirituels de la méthode biodynamique« , un texte très riche, mais également très déconcertant dans lequel il condamne la toute nouvelle agriculture « industrielle » basée sur les produits chimiques et prônée par le baron VON LIEBIG chercheur et enseignant dont les contributions à la chimie organique et à l’agronomie ont été nombreuses.
Elles ont notamment influencé les écologistes, l’économiste Nicholas ROEGEN mais également Karl MARX dans l’écriture de son futur « Système capitaliste » !

Aujourd’hui, on dirait que son livre est purement le fruit du « New Age », basé sur « l’équilibre entre les forces cosmiques venues des astres et forces terrestres émanent du sous-sol« .
Les minéraux, l’eau, les substances organiques ont tous des vertus spécifiques qu’il convient de combiner dans un rituel très précis pour soigner la Terre.
On lutte par exemple contre les maladies avec « des décoctions de prêles, de l’écorce de chêne en petits morceaux, le tout bourré dans un crâne d’animal, du pissenlit cousu dans les intestins de bovins« …

Depuis, la biodynamie s’est enrichie des améliorations apportées par plusieurs générations, mais on peut considérer tout cela comme des billevesées ou comme une approche géniale et efficace, certains vignobles très renommés l’appliquent semble t’il à la lettre et ont connu des succès certains…

D’un point de vue plus théorique, STEINER considérait le domaine agricole comme un être vivant disposant de ses propres mécanismes d’adaptation,  de régulation, en équilibre avec son environnement naturel qu’il soit animal ou végétal et selon des cycles inconnus de la science, le tout sous l’influence de l’univers entier.
Ceci est considéré par beaucoup comme étant la vision de l’agriculture biologique.

Ernst Friedrich SCHUMACHER est quant à lui un économiste britannique d’origine allemande né en 1911 en Allemagne.
Après son Abitur, il étudiera à Bonn l’économie.

William_BEVERIDGE_Small_is_beautifulEn 1937 il est obligé de quitter son poste de banquier à Berlin pour fuir le régime nazi, il sera même interné dans une ferme comme « ennemi de l’intérieur ».
C’est de cette époque que datent ses relations avec un groupe d’intellectuels dont les célèbres économistes William BEVERIDGE et John Maynard KEYNES, il publiera d’ailleurs un essai sur le nouveau système de compensation des paiements de devises qui sera intégré par ce dernier dans les futurs accords de Bretton Woods signés en 1944.
Ils fonderont le Système Economique International, puis donneront naissance à la Banque Mondiale et au F.M.I (Fonds Monétaire International).

Après guerre, il sera employé par l’Allied Control Commmission, sera éditorialiste au Times, et économiste en chef du National Coal Board (autorité britannique du charbon) employant plus de 800 000 personnes à l’époque !
Son expertise, sa vision à long terme participeront à la reprise économique de la Grande Bretagne d’après guerre.

Le tournant de sa carrière quasiment linéaire pour un économiste, sera pris lors d’un voyage en Birmanie en 1955 en tant que conseiller des Nations Unis, il lui inspirera son essai consacré à « l’économie bouddhiste » où il décrit l’idée phare : « une production de ressources locales pour les besoins locaux est la voie la plus rationnelle pour l’économie« .

Il décédera en 1977 d’une crise cardiaque après une longue tournée au travers des Etats-Unis.

La pensée de SCHUMACHER s’articule autour de cette idée phare évoquée plus haut, celle de la production à l’échelle humaine.

Pour lui, l’approche classique de l’économie et des marchés basée sur les biens finis et renouvelables, leur valeur pécuniaire intrinsèque, est peut-être considérée comme une approche pérenne et positive dans notre société moderne, mais en fait celle-ci fait totalement abstraction de l’appréciation et surtout de la préservation du « capital naturel« , des « ressources naturelles » dirions nous, dès lors, pour lui, les doctrines économiques d’après-guerre ne devraient être cantonnées qu’au milieu purement industriel car elles s’avèrent antinomiques avec l’organisation sociale et surtout l’environnement naturel !

L’approche bouddhiste avec son rejet du matérialisme obsessionnel de l’occident avait séduit cet économiste, il poursuivra son raisonnement en théorisant qu’il n’est nul besoin de s’appuyer sur des importations onéreuses pour entretenir la technologie sophistiquée omniprésente dans nos vies, il est plus judicieux selon lui d’y substituer une technologie « à visage humain » s’appuyant sur des techniques traditionnelles locales capables de générer un revenu maximum qui stimulerait par le bas l’activité économique.

Curieusement, l’agriculture constituera un sujet important pour cet économiste habitué aux méandres de l’économie, de la production, de l’industrie, et il y verra une même approche basée sur la productivité certes, car sans cela nul moteur ne viendrait stimuler la progression, mais aussi une prise en compte de la pérennité,  de la beauté et de la santé.

Enfin, dernier élément de sa pensée, l’organisation : pour SCHUMACHER, le centralisme avec sa vision éminemment pyramidale, ordonnée, déshumanisée ne pouvait être équilibrée que par une approche plus « autodéterminée« , plus axée sur la « liberté« , c’est à dire une délégation à tous les niveaux impliquant chacun, et où toute la hiérarchie doit justifier ses actions et décisions, mais les deux modèles ne sauraient exister l’un sans l’autre afin de s’équilibrer…

A la fin de sa vie l’approche scientifique s’effacera peu à peu pour laisser une place plus importante à la philosophie et à la religion qui selon lui apportaient des idées plus pragmatiques dans la vie courante, plutôt que le positivisme et le relativisme des sciences qui en étant transposées dans les pays du Tiers Monde ne pouvaient qu’apporter une pauvreté encore plus grande…

L’ouvrage phare de SCHUMACHER restera son « small is beautiful » traduit en « Une société à la mesure de l’homme » en français.

C’est donc dans ce bouillon de culture que nos protagonistes évoluent et élaborent au cours de nombreux échanges leur esquisse d’une nouvelle approche de l’agriculture biologique en ces années 1980…

Ce sont surtout les concepts de SCHUMACHER qui serviront de fondation au mouvement, dans un premier temps, notamment l’approche « consommateur-producteur » où les deux parties sont liées par un intérêt mutuel, mais également la notion d’économie locale.
Pour eux, le futur C.S.A était considéré comme la meilleure façon de fusionner ses deux notions pour en tirer le meilleur parti !

C’est lors d’une conférence sur l’agriculture biologique à Kimberton, en 1985, que les membres de la ferme « Temple-Wilton » découvrirent pour la première fois par le biais du conférencier, les expériences menées au Japon au sein des teikei.

A l’automne 1985, une expérience originale eut lieu.

VANDER TUIN, ROOT et une communauté de personnes handicapées mentales d’un village voisin de Berkshire ont lancé un projet en mettant en vente 30 parts de leur verger de pommiers, puis ils ont récolté, trié et distribué. environ 1 tonne de pommes, mais également du cidre et du vinaigre de cidre.

Pendant ce temps, le noyau dur du groupe fondait l’association sans personnalité morale « Garden at Barrington« , gérée pour les actionnaires par WITT, ROOT, VAN EN et Jan VANDER THUYN.

Robyn VAN EN à droite et son fils David. Photo par Clemens Kalischer.

Robyn VAN EN à droite et son fils David. Photo par Clemens Kalischer.

Cette association liait le groupe à VAN EN pour la location de 3 ans de ses terres situées sur la ferme Indian Line à compter de 1986.

A 130 km de là environ, l’expérience de la ferme Temple-Wilton débutait également !

L’aventure s’est poursuivie pendant près de 4 ans environ, mais en 1990, c’est la rupture, la plupart des fermiers et des membres de l’association se séparent, et Robyn VAN EN reste sur ses terres tandis que les autres personnes fondent la Mahaiwe Harvest sur les terrains de la ferme Sunways situés à proximité…

Ensuite Robyn s’est lancée dans l’écriture en publiant notamment un livre intitulé « Les bases pour créer une Agriculture Soutenue par la Communauté« , elle a produit également une vidéo « Il ne s’agit pas que de légumes« , et en 1992, elle fonda une association à but non lucratif intitulée CSANA, C.S.A North America, un centre d’échange et d’informations sur les C.S.A.

Aujourd’hui elle est clairement considérée comme étant l’une des pionnières des C.S.A !

En s’éteignant précocement à l’âge de 49 ans suite à une crise d’asthme, en 1997, elle lègue à son fils David la ferme Indian Line, mais celui-ci est forcé d’en vendre la majeure partie.

Malheureusement les fermiers qui travaillaient les terres ne disposaient pas des fonds pour la racheter.

Cette opération sera emblématique car dans le but de garder cette terre, ils trouveront une issue heureuse en s’associant (avec l’aide de l’Association SCHUMACHER) au « Nature Conservancy » (organisation de protection de l’environnement des Etats-Unis dont le but est la préservation des plantes, des animaux et des communautés naturelles) dans le but de former un « Community Land Trust« , c’est à dire une propriété foncière collective !
La ferme fut achetée 155 000$, le prix était hélas le reflet de l’état déplorable dans lequel elle s’était retrouvée.
Le C.L.T vendit aux fermiers les immeubles pour 55 000$ et le bail s’étendait sur… 99 ans !

De G à D : Bob SWAN, Ursula CLIFF, Susan WITT, Franck OWENSTEIN, Clemens KALISHER, Elizabeth KEEN et Al THORPE célébrant le partenariat avec le Nature Conservancy en 1999. Photo Clemens KALISHER.

De G à D : Bob SWAN, Ursula CLIFF, Susan WITT, Franck OWENSTEIN, Clemens KALISHER, Elizabeth KEEN et Al THORPE célébrant le partenariat avec le Nature Conservancy en 1999. Photo Clemens KALISHER.

Ce point est important car il servira de modèle pour la création de nombreuses C.S.A !

Le Community Land Trust (C.L.T) s’est développé aux Etats-Unis à la fin des années 1960, en 1964 pour être plus précis, et plonge ses racines dans les heures noires de la ségrégation.
Robert SWANN, un activiste de la paix et Slater KING (neveu de Martin LUTHER KING) recherchaient une façon de capitaliser les nouveaux droits civiques arrachés de haute lutte en se basant sur la propriété immobilière qui pour eux constituait l’une de meilleures voies conduisant à l’égalité blancs / afro-américains !

Le but de la « fiducie foncière communautaire » est très clairement de bénéficier d’exonérations de taxes, de conserver durablement la propriété foncière en vendant le terrain tout en permettant aux occupants d’être pleinement propriétaires du bâti qu’il soit à usage privé ou professionnel.
Par cette dissociation on opère très clairement un partage de sa valeur mais également des droits, bénéfices et risques qui y sont liés.
Le bail prévoit un versement mensuel de loyer abordable en contrepartie de l’occupation du terrain.
A la revente des logements la fiducie dispose d’une droit de préemption.

A partir des années 1980 les C.L.T ont connu une croissance fulgurante, les crises économiques qui ont suivi n’ont fait que conforter ce modèle qui s’est exporté dans d’autres pays.

Ce que les pionniers ont retenu de cette opération, c’est que les consommateurs ont su prendre leurs responsabilités pour mettre à disposition les terres à un prix abordable et pour une longue durée aux agriculteurs.

Quittons le Massachusetts pour le proche New-Hampshire dans la ferme de Temple-Wilton…

La ferme a été fondée par Lincoln GEIGER et Anthony GRAHAM auxquels est venu se rajouter peu après un agriculteur fraîchement arrivé d’Allemagne, Trauger GROH.

Lincoln GEIGER (gauche) et Anthony GRAHAM fondateurs de la ferme Temple-Wilson rendant visite à un couple de vaches laitières pour faire du beurre. Photo par Steven McFadden.

Lincoln GEIGER (gauche) et Anthony GRAHAM fondateurs de la ferme Temple-Wilton rendant visite à un couple de vaches laitières pour faire du beurre. Photo par Steven McFadden.

Nous sommes en 1985, ici aussi les discussions, les échanges, vont bon train, l’enthousiasme est à son zénith, et un jour d’automne, une rencontre s’opère à Egremont entre les membres de la ferme Indian line et Temple-Wilton.

Cependant, même s’ils semblent partir sur des bases communes, les approches ne sont pas les mêmes, et chacun décidera de suivre son chemin…

Trauger sera véritablement le moteur de l’expérience en capitalisant sur sa propre expérience en Allemagne dans les années 1960 mais également sur ce qu’il a appris de l’expérience « Camphill village » à Copake dans l’état de New-York, en 1961.

Cette expérience s’inspire de l’anthroposophie de STEINER évoquée plus haut, plus précisément de la pédagogie curative visant au départ à prendre en charge des enfants souffrant de handicaps mentaux en créant des centres d’assistance scolaire, mais par la suite il prit la forme de communautés villageoises accueillant des personnes souffrant également de handicaps physiques.
Le but et l’originalité du mouvement est d’assurer une certaine autonomie aux personnes handicapées via l’aide de familles d’éducateurs qui partagent leurs vies.

L’autre expérience capitale dans la réflexion autour de l’aventure Temple-Wilton fut celle de Trauger dans son pays natal au cours des années 1960.

Trauger GROH, l'un des membres fondateurs de la ferme temple-Wilson.

Trauger GROH, l’un des membres fondateurs de la ferme temple-Wilton.

Comme l’explique ce dernier dans son autobiographie intitulée « Personal recollections : remembering my life and those who mean so much to me » publiée en 2010, les fermes allemandes étaient très dépendantes de la main d’œuvre étrangère qui était faiblement rémunérée, ce qui ne laissait place à aucune perspective d’évolution ni aucun attachement à la terre !
Parallèlement à cette majorité de fermes, celles qui employaient une abondance d’engrais et d’herbicides voyaient leurs productions s’envoler, mais cela n’était aucunement satisfaisant pour ce fermier pétri d’écologie et de biodynamique !

Dans la ferme de Buschberg qu’il exploitait avec d’autres fermiers, Trauger et ses associés étaient arrivés à la conclusion qu’une nouvelle approche globale, c’est à dire économique, sociale et agricole, était plus que nécessaire.

Mais l’isolement des fermes et des fermiers appliquant des méthodes écologiques vouait à l’échec l’expérience sans évolution majeure.

Ils tentèrent alors de mettre en place une sorte d’arrangement basé sur une libre adhésion à l’échelle de leur village qui associerait les fermiers et les ménages.
Les villageois étaient supposés participer aux travaux de la ferme et à la responsabilité de la culture et de l’entretien des terres.
Mais cela nécessitait de changer la relation vis à vis de la propriété des terres  et d’abandonner par la même la relation salariale employeur/employé.

Dans les années 1970, ils formèrent une structure composée de 40 personnes basée sur le travail coopératif au sein duquel se trouvait le noyau dur des fermiers, Trauger et ses deux associés, dès lors ils étaient tous solidaires  vis à vis de la ferme et des risques…
Par ailleurs, un avocat, Wilhelm BARKOFF, créa une structure juridique sous forme de partenariat afin de partager les risques avec une banque de Bochum, près de Dresde.

Des membres de la communauté sans activité agricole pouvaient participer à la gestion de la ferme mais sans interférer avec cette dernière, ils contribuaient par leur propre expérience, chaque membre du groupe bénéficiait d’un prêt de 3 000 Deutsche Mark accordé, une sorte de ligne de crédit qui pouvait être injecté dans le budget de la ferme.

Si les fermiers faisaient un bénéfice il était redistribué à toute la communauté, à l’inverse, en cas de pertes, chacun était solidaire des dettes !

Cette approche via une fiducie communautaire où le risque était partagé fut l’une des idées de base des C.S.A

Un autre point tiré de l’expérience de Trauger fut l’échange qui eut lieu en 1970 entre Trauger et Peter BERG, un autre fermier, qui proposa une idée originale basée sur la notion de panier, une approche qui fut mise en application à Dornarch en Suisse.

En tant que membre du conseil d’administration de la fondation « La bruyère blanche« , Trauger eut l’occasion de découvrir la mise en pratique de l’idée de BERG, c’est d’ailleurs ici aussi que Jan VANDER THUYN s’inspira de l’idée pour l’Indian Line…

Dans ces deux points, il y a déjà les germes des futures C.S.A…

Au début des années 1980, Trauger rencontre sa future femme, Alice BENNET et il décide de s’installer au New-Hampshire où nous retrouvons la ferme Temple-Wilton.

En 1985, Anthony, Lincoln, et Trauger décident donc une nouvelle approche : plutôt que de demander aux nouveaux adhérents de payer un prix fixe pour leur panier, ils leur demandent un engagement, une promesse en quelque sorte.

En effet, et cela constitue une réalité économique à laquelle font et feront face les C.S.A, les adhérents disposent de revenus et de besoins très variables et certains ne peuvent adhérer pour ces raisons.
Pour éviter cette situation, l’engagement se substitue donc au prix fixe, et un budget annuel est discuté, montrant les coûts exacts d’exploitation de la ferme requis pour l’année à venir, et vient sceller cette promesse de le tenir.

Il est évident que cette approche requiert honnêteté et bonne volonté, mais quoi qu’il en soit,  cela a marché et le modèle est tellement bien « huilé » qu’il ne faut guère plus de 45mn aujourd’hui pour arriver à un accord  !

L’expérience de Temple-Wilton se résume à trois grandes idées clefs :

  • De nouvelles formes de titres de propriété : une communauté fait l’acquisition de terres via un Community Land Trust pour la cultiver et produire les légumes nourrissant la communauté
  • De nouvelles formes de coopération : un réseau de relations se substitue à l’habituelle relation employeur/employé et permet de s’affranchir en grande partie des banques pour les immobilisations (terres et bâtiments)
  • De nouvelles formes d’économie : il ne s’agit pas d’une recherche effrénée du profit mais bien de répondre exclusivement aux besoins des adhérents en préservant la terre.

L’expérience a porté ses fruits car aujourd’hui la ferme Temple-Wilton enregistre des récoltes record, elle est même parvenue à recevoir des fonds d’aide au niveau local, de l’état et au niveau fédéral !
Au niveau  de la ville, pendant deux années de suite le maire a pu faire voter sans l’ombre d’un refus, a deux reprises, un investissement de 40 000 $ !

Comme le déclarait fièrement Trauger dans une interview accordée en 2004, « le moment est venu de récolter les fruits de notre travail » !

D’une soixantaine dans les années 1980, les C.S.A sont passées à plus de 1 700 dans les années 2000 au travers des Etats-Unis, en plusieurs « vagues ».

La première eut lieu dans les années 1980, la seconde dans les années 1990 à 2003  avec une progression constante, puis le nombre a commencé à chuter pour plusieurs raisons : les membres n’avaient pas correctement budgété leurs besoins, ils n’avaient pas les compétences pour croître ou ils n’ont pu assurer la disponibilité de leurs terres de façon pérenne (mise en place d’un C.L.T par exemple, comme expliqué plus haut), ou tout simplement suite à des désaccords  entre les membres de la communauté.

La troisième vague est celle qui part de 2004 et va jusqu’à nos jours, cette vague fort de l’expérience des précédentes a dorénavant les éléments en main pour s’améliorer et ne surtout pas commettre les erreurs de certains de leurs ainés !

Une evolution s’est opérée pour s’adapter suite à l’essoufflement des vocations de la part des consommateurs, et les noyaux durs des C.S.A sont aujourd’hui pour la majeure partie constitués d’agriculteurs, de même on note un rapprochement des C.S.A entre elles pour beneficier de l’entre-aide lors de périodes difificiles prolongées, ou pour faire face au coût d’acquisition des terres afin de se rapprocher de plus en plus d’une clientèle urbaine, de même a t’on assisté à des rapprochements avec d’autres corporations afin de se diversifier, notamment avec des boulangeries.

Tout se travail ne peut se pérenniser que si la force vive suit, c’est à dire les adhérents : les deux raisons qui motivent ceux-ci sont comme en Europe leurs inquiétudes vis à vis de la nourriture dont les méthodes et scandales industriels  rebutent de plus en plus les consommateurs (la vache folle)  qui préfèrent l’approche saine et naturelle des C.S.A, la seconde est bien évidemment l’économie globale qui par ses fusions de « méga entreprises » conduit à des monstres tentaculaires dont la taille et le chiffre d’affaires dépassent le P.N.B de petits pays, l’inflation de leur taille, la délocalisation, la défiscalisation, la course à l’automatisation et à l’innovation (les O.G.M) les problèmes de pollution (le réchauffement climatique et son cortège d’effets secondaires, la pollution des engrais et pesticides) le lobbying, ont fait perdre de vue l’intérêt de leurs clients au détriment du profit à outrance pour le plus grand bonheur des dirigeants et des actionnaires.
En ce sens on adhère sans difficulté au « small is beautiful » de SCHUMACHER !

Par ailleurs, pour que les C.S.A puissent continuer d’exploiter les richesses naturelles avec le bon sens, et le respect de la nature, il faut que notre planète continue de prospérer, hélas, les sommets se suivent et se ressemblent tous : le constat de la pollution suivi de belles promesses qui ne sont pas tenues car « business is business as usual » (les affaires sont les affaires comme d’habitude) comme disent les américains, mais gageons que cette prise de conscience de plus en plus large finira par faire bouger les partis politiques, mais cela demandera encore beaucoup de temps !

Voilà qui vient conclure cet article consacré aux C.S.A.

Je vous conseille vivement la lecture de l’excellent article écrit par Steven Mc FADDEN (2ème lien dans les sources) qui m’a servi de trame pour ce récit par son approche historique et son analyse.

Le Webmaster.

Sources :

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